Les partisans de l’autodétermination gagnent une bataille

22 juin 2021
Dominique Lemoine

En raison du refus de 176 députés fédéraux, le gouvernement du Canada ne pourra pas virer jusqu’à 120 millions de dollars dans le compte de son Bureau de transition en valeurs mobilières, dont une mission est de mettre sur pied un organisme centralisé de réglementation des valeurs mobilières.

Lors d’un vote tenu lundi le 21 juin, 176 députés fédéraux contre 155 ont refusé une motion selon laquelle la Loi sur le Bureau de transition vers un régime canadien de réglementation des valeurs mobilières aurait pu être modifiée pour qu’un ministre puisse « faire des paiements directs, jusqu’à concurrence de 119 500 000 $, ou de toute somme supérieure qui peut être précisée dans une loi de crédits, au Bureau de transition, à son usage ».

Selon un gazouillis du député bloquiste Gabriel Ste-Marie, les députés du Bloc ont ainsi « coupé les vivres au Bureau de transition », un organisme « dont le but avoué est de faire converger l’ensemble des places financières vers Toronto » et qui « n’aura donc pas le droit aux 120 M$ que les libéraux voulaient lui accorder ».

Jody Wilson-Raybould, députée indépendante, Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), et Erin O’Toole, chef du Parti conservateur du Canada, ont eux aussi voté contre la motion parrainée par la ministre libérale des Finances, Chrystia Freeland.

Partisans de la centralisation mauvais perdants et entêtés

Mardi, le premier ministre Justin Trudeau s’est plaint de « toxicité » et d’« obstructionnisme » au Parlement du Canada, qualifiant même ce dernier de « dysfonctionnel » et donnant l’impression de préparer le terrain pour des élections qui pourraient fournir une majorité parlementaire à son parti, selon La Presse canadienne.

Au bureau de la ministre des Finances, une semaine avant le vote de lundi, on prétendait que l’amendement permettrait d’attribuer des montants au Bureau de transition dans le but d’aider « à la surveillance et à la compréhension des risques systémiques sur le marché des capitaux », et non pas pour « créer un organisme » de réglementation des valeurs mobilières, selon La Presse.

Cependant, selon Gabriel Ste-Marie, aussi cité par La Presse il y a une semaine, le gouvernement du Canada montre un « entêtement à nuire à l’économie du Québec », pour ce gouvernement « Bay Street pèse plus lourd que le Québec au complet » et « la centralisation des valeurs mobilières vient bafouer la compétence du Québec et des provinces ».

L’Alberta s’oppose aussi à cette centralisation. L’Alberta et le Québec en particulier y voient toutes les deux « une intrusion dans un domaine de compétence provinciale qui entraînerait une saignée de leur secteur financier au profit de Toronto », selon La Presse.

Opposition qui transcende les clans politiques au Québec

Selon Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD, aussi cité par La Presse il y a une semaine, « les libéraux veulent favoriser les grands financiers de Bay Street au détriment d’autres places de marché comme Montréal » et « le marché des capitaux québécois doit servir les intérêts économiques du Québec, pas ceux de Toronto ».

Le ministre caquiste des Finances du Québec, Eric Girard, a récemment déclaré « espérer qu’on tire un trait sur ces ambitions fédérales ».

En 2009, alors que ce projet était lancé sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, Monique Jérôme-Forget, alors ministre libérale des Finances du Québec, soutenait que l’encadrement des marchés et la protection des investisseurs sont bien servis par des organismes provinciaux et territoriaux.

« La réglementation des valeurs mobilières est une compétence constitutionnelle provinciale et le Québec contestera devant le tribunaux tout projet fédéral, qui aurait pour but de régir les valeurs mobilières », affirmait-elle. De plus, elle évoquait alors une « intrusion du gouvernement fédéral » sous prétexte de « faux problèmes ».

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